Dans cette pièce il y avait deux galetas qui ne
communiquaient pas :
- au niveau inférieur où vous êtes, un galetas
accessible uniquement par la porte du balcon,
- juste au-dessus, sur un plancher en planches de sapins
posées sur les poutres, un autre galetas accessible depuis le grenier situé au
niveau des claies à noix : vous pouvez encore voir la porte qui lui donnait
accès. Pour les enfants, y aller représentait aller au bout du monde !
En aménageant la ferme pour en faire un lieu de réception,
une sortie de secours a été créée pour la grange Charles-Albert : il a fallu
ouvrir le mur et installer l’escalier qui descend vers la cour. Le parti d'en
faire un seul volume allant jusqu'au toit donne cet espace ! Les animaux
empaillés conservés dans le domaine y ont trouvé naturellement leur place !
Vous pouvez observer des rapaces, des grands
gibiers, la peau du dernier ours tué en Savoie en 1892, des rongeurs, et autres
animaux, ainsi que des pièges à loup... Et même une cage à oiseau !
Il faut dire que la chasse a joué un rôle très
important dans le passé tant pour s'approvisionner en viande que pour aménager
les territoires et donc les paysages. Ce fut spécialement le cas en
Savoie avec ses grandes vallées et ses alpages.
Au XVIIe siècle, dans les basses vallées les
rivières coulaient en occupant tout l'espace au gré des intempéries. Les castors régnaient
en maître des rivières contribuant à l'étalement des rivières sur de larges
espaces des vallées. C'est la chasse des castors, plus par piégeage que par des
tirs, et leur élimination durant les XVIIe qui a facilité les grands travaux de
canalisation du XVIIIe, comme ce fut le cas pour l'Arve ou l'Isère. Les fonds
de ces vallées se sont alors développés avec une agriculture plus aisée sur des
terrains plats. Et au XXe, ce sont de grandes nationales puis des autoroutes
qui y ont été implantées.
A Giez, la rivière de l'Eau Morte courrait
avec de larges lacets au fond de la vallée. Au Moyen Age, une digue
obligea la rivière à contourner la « tour de l’Isle » laissant sur la
rive gauche un large espace en contrebas qui devint un marécage. Cette digue et
la tour qui la contrôlait permettait le passage entre les deux côtés de la
vallée entre Veigy, l'ancien chef-lieu de Giez, et Le Villard. Dans le reste de
la vallée, de petits canaux étroits furent creusés sur un mètre de profondeur :
ce sont les "tarats" qui existent toujours, permettant la fauche
des roseaux pour l’utiliser comme litières pour les animaux, la "blache".
Tout cela est demeuré dans son état naturel
jusqu'aux années 1950. On effectua alors la rectification du cours de la
rivière en la retraçant avec de grandes lignes droites jusque sous Veigy. Bien sûr
cela permit l'extension des zones cultivables, mais en même temps la rivière a
charrié de plus en plus loin les graviers qui descendent de la Sambuy... Et de
nos jours il est envisagé de recréer quelques lacets au cours de l'Eau Morte !
La digue subsiste mais la tour s’est désagrégée et enfoncée au milieu des
marais.
Plus tard au XIXe, la Savoie sortait de 25 ans
des guerres révolutionnaires et napoléoniennes. Comme ailleurs dans les alpes, il
en resultat une grande saignée humaine et beaucoup d'hommes et de bras
manquaient. La natalité augmenta fortement et bientôt les espaces cultivables
manquèrent ; les hommes allèrent alors rechercher des terres plus hautes. Ils y
rencontrèrent l'ours, animal plutôt imprévisible et omnivore, malgré son
allure impassable, terrifiant les populations, car vivant sur de larges
espaces. En 1844, l'ours a été déclaré nuisible en France, mais pas en Savoie
alors toujours partie du Royaume de Piémont Sardaigne.
Dans les Alpes, pour
travailler sans crainte les espaces d'altitude, se développa la chasse à
l'ours. On construisit des fosses à ours, comme celle de Montangelier près de
Giez (voir photo) en pensant qu'il se laisserait séduire par une belle proie
dans une fosse creusée sous terre dont il ne pourrait pas ressortir ! Des
battues furent organisées favorisées par la diffusion des armes à feu dans les
campagnes. Ces battues devinrent systématiques à partir de 1860 dans le Vercors
et les Bauges. On le chassa aussi à la manière d'un trappeur, en les pistant,
puis en organisant un piège en les forçant à charger à un endroit où
l'attendait le tireur. C'est ce que fit Charles Albert de Chevron Villette en 1888
et 1892, comme vous le lirez sous l'article la peau de l'ours.
Ainsi au cours du XIXe près de 300 ours furent
tués dans les Alpes.
Auparavant dans tout l’arc Alpin, le loup fut
l’objet des pires peurs depuis le moyen-âge, et l’imaginaire populaire le
rendit craint et respecté. Partout il fut chassé par nécessité. La poudre et le
fusil n’existant pas, le piégeage fut la principale méthode pour tenter de l’éliminer,
comme avec les pièges de ce galetas. Puis la poudre fit son aspiration et se généralisa
au XIXe et son élimination devint totale. Il en resta en permanence versant italien
des alpes : en effet, le roi Victor-Emmanuel II de Savoie avait déclaré « Réserve
royale de chasse » le territoire du Grand Paradis qui devint en 1922 le « Parc
National Italien du Grand Paradis » jouxtant le « Parc National de la
Vanoise ». Le roi Victor-Emmanuel II avait aussi formé un corps de garde
spécialisé œuvrant à la protection des espèces. C’est par ce biais que le loup
revint dans les alpes ; de nos jours, sa présence est importante, des
meutes parcourent les secteurs de la Sambuy, des Bauges, de la Tournette ou des
Aravis. Le loup à nouveau présent entre en conflit comme autrefois avec les
alpagistes obligés de protéger leurs troupeaux avec de gros chiens, les patous.
Et ces derniers sont craints par les touristes, sportifs ou trailers !
Ainsi la chasse a profondément marqué les
paysages et ses usages des contrés de Savoie au cours de ces derniers siècles ! Cet espace avec des objets du domaine de Gy nous remémorent ces évolutions de perception.
Ci-après, quelques gravures illustrent ces
périodes et les ressentis d'alors.